Le Tétramorphe de l’église du "Graal" de Tréhorenteuc.
Le Tétramorphe
En grec « les quatre formes » devenues « les quatre vivants »
C’est dans le cadre d’une commande paroissiale, que j’ai créé la sculpture du Tétramorphe présent sur l’autel de l’église du "Graal" de Tréhorenteuc. Elle a été installée dimanche 16 mars 2025, à l’occasion de la Saint-Patrick.
Cette sculpture a été réalisée de telle sorte qu’elle se fonde complètement dans l’œuvre de l’abbé Gillard, et dans la temporalité de celle-ci.
Ainsi, la vie de Sainte Onenne, la petite sainte locale, possiblement une christianisation d’une déesse gallo-romaine, se situe au VIIe siècle. ( Son frère Saint Judicaël, à l’origine de la fondation de l’abbaye de Paimpont, négociera la paix entre les Bretons et Dagobert 1er, roi Mérovingien).
L’épopée arthurienne, que l’abbé Gillard va utiliser pour évoquer la quête du Graal et à travers celle-ci l’Eucharistie se situe au Ve siècle.
Enfin le Saint Patron de cette église, Saint Eutrope est un saint du IIe siècle.
Le Tétramorphe apparaît pour la première fois dans le monde chrétien, à travers une vision d’Ézéchiel, VIe siècle av J.-C, et sera repris dans l’Apocalypse de Saint Jean l’évangéliste. Il existait précédemment dans les mondes Égyptien, Babylonien et Mésopotamien.
Il s’agit de quatre personnages fantastiques, en forme de lion, aigle, taureau et homme, qui entourent le trône de gloire de Dieu, étant eux-même une émanation de Dieu. (Hypostase).
Saint Irénée de Lyon au IIe siècle, sera le premier à les identifier aux quatre évangélistes.
Ce sont les premières lignes de chacun des évangiles qui vont leur attribuer une figure.
Évangile de Jean : L’aigle
« Au commencement était le verbe », le logos, la parole, l’esprit, le souffle, l’air, donc un oiseau, un aigle.
Évangile de Marc : Le lion
« Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur » Un cri, un rugissement, le lion.
Évangile de Matthieu : l’homme
Saint Matthieu commence par la généalogie de Jésus. Fils de.., engendré par.. Jésus est humain, l’homme.
Évangile de Luc ; Le taureau.
L’évangile commence par une allusion à Zacharie, un prêtre chargé des sacrifices d’animaux, le taureau.
Dès saint Irénée, un des quatre éléments fondamentaux sera attribué à l’un des évangélistes.
Jean/aigle/air, Marc/lion/feu, Matthieu/homme/eau, Luc/taureau/terre.
Si les quatre vivants peuvent être assimilés aux quatre évangélistes, ils sont aussi une évocation de la nature profonde du Christ.
Par l’aigle qui représente le souffle du Logos, il est Parole de Dieu et membre de la Sainte Trinité.
Par le lion il est roi de l’univers. Assis à la droite du Père. Christ Pantocrator.
Par l’Homme, il est vraiment humain, Dieu incarné.
Par le taureau, il sera la victime expiatoire.
Le Tétramorphe est omniprésent dans cette église. Dans la maîtresse vitre, les quatre vivants sont représentés autour de Jésus et Joseph d’Arimathie. Puis sous la forme symbolique des quatre lions rouges de la mosaïque du cerf. Enfin, dans le phylactère derrière l’autel. En effet dans la vision de saint Jean, les quatre vivants ne cessent de répéter jour et nuit : « Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître de Tout, qui était, qui est et qui vient ! »
L’abbé Gillard retiendra « Jésus le Seigneur, Dieu, Maître de Tout »
La croix quant à elle est inspirée de celle de l’abbaye Irlandaise de Clonmacnoise bâtie en 546 .
A cette époque, le Christ souffrant sur la croix n’était pas encore représenté, mais au contraire un Christ en gloire ou accueillant, bras ouverts.
Le Christ étant roi de l’univers, soleil et lune étaient souvent représentés.
Dieu, et à travers lui le Christ est « le début et la fin ». L’alpha et l’oméga étaient souvent associés à la croix.
La numérotation des évangiles aux pieds des personnages, I+II+III+IV= X (10=1) est un clin d’œil à la Tétraktys de Pythagore, (contemporain du monde égyptien antique, et d’Ézéchiel), qui enseignait déjà que Dieu est omniprésent dans sa création.
Les quatre lettres en hébreu du nom de Yahvé sont placées du côté du prêtre.
Au pied de la croix, sont représentés les ossements d’Adam qui dans la tradition fut enterré sous le Golgotha, le mont du crâne…
On peut considérer que cette église, par la quête du Graal est profondément Eucharistique, et par la présence du Tétramorphe le seuil du trône de Dieu.