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Gotasaga, ou le rêve de Vitastjerna "the Snake-witch stone"

Gotasaga

Cette dalle gravée et peinte du Gotland, datée aux environs du V-VII e siècle, est connue depuis sa redécouverte par le monde scientifique du 19ème siècle, sous le nom de ‘’La Sorcière aux serpents’’en anglais "Snake-witch stone".
Ce nom reflète à la fois le manque de compréhension de la communauté scientifique de l’époque sur sa signification profonde, et dénote au passage un certain regard méprisant sur la féminité dans ce qu’elle a de plus puissant.
Cette dalle gravée est en fait une hymne à la fécondité.

On peut comprendre sa signification grâce à la Gotasaga, un texte tardif du XIIIème siècle, reprenant l’épopée du Gotland avant sa christianisation.
Après la découverte mythique du Gotland et l’union du premier couple, la femme, Vitastjerna, (qui peut se traduire par "Étoile Blanche"), rêva de trois serpents enlacés dans son sein, puis sortant entre ses jambes pour se diriger dans les trois directions de l’île.
Vitastjerna eut effectivement trois fils nommés Graip, Gute et Gunfjaun, les ancêtres des Gutes qui se répartirent l’île entre eux trois. Cette répartition en trois provinces de l’île est restée effective jusqu’en1747, et se retrouve encore aujourd’hui dans la division en trois doyennés de l’eglise. Preuve s’il en est de la véracité de ce mythe fondateur.

Ces dalles gravées, communes au Gotland, bien que réalisées sur plusieurs siècles révèlent une certaine homogénéité de formes, comme un langage. Leur silhouette représente la lame d’une hache, tranchant vers le haut, et le liseré ceinturant la scène, représente à la fois la mer, et les ondulations d’un dragon.
Bien que la morphologie et la structure symbolique de cette pierre de "la Sorcière aux serpents" soit similaire aux exemples les plus anciens, son style artistique est considérablement différent. En effet, les éléments habituellement représentés sous formes essentiellement géométriques, le sont ici sous formes zoomorphiques.

Vitastjerna

Ce qui interpelle au premier regard, c’est en bas de la scène, au niveau de la terre, une femme en position d’accouchement. Elle repose sur une ligne pouvant signifier un tertre, ou l’île du Gotland,
Elle tient à bout de bras deux serpents se faisant face. Cette représentation nous ramène aux déesses de l’antiquité moyen-orientale et de l’Asie. Une proposition est que, si les éclairs sont attribués aux dieux masculins (solaires et aériens), la puissance divine de la femme qui appartient au monde de la terre et de l’eau, va être représentée par des serpents, donc la forme rappelle l’éclair, ainsi que sa vivacité quand le serpent frappe et foudroie de son venin. (frappé par l’éclair et foudroyé).

Cernunos Chaudron de Gundestrup

Pour les celtisants, cette posture propre à la féminité, n’est pas sans rappeler la célèbre représentation du dieu Celte Cernunos, masculin, assis en tailleur, et tenant lui aussi un serpent à la main. Fréquemment associé à la Déesse-mère, Cernunnos incarnerait le cycle biologique de la nature, reflétant simultanément la vie et la mort, la germination et la fécondité.


Gotasaga
Triskèle

Au dessus de la femme, là où classiquement sur ce genre de dalle gravée on trouve un triskèle géométrique évoquant un symbole solaire, on observe ici, comme la représentation d’un rêve sortant de sa tête, un triskèle zoomorphe. Celui-ci représente probablement, un sanglier, un oiseau et un poisson ou un dragon, ces deux animaux étant liés à la mer.
Je ferai observer, que les trois animaux sont reliés au triskèle et entre eux au niveau de l’ombilic....
On peut y voir une évocation des trois fils à naître de Vitastjerna, mais aussi des mondes ; terrien, aérien et aquatique.
Vitastjerna devient alors la mère de ses trois fils, du peuple Gutnish, et de toute la création.
C’est en cela que cette dalle gravée est une hymne à la fécondité.

Ce qui touche aussi l’artiste que je suis, est que les archéologues s’accordent à dire que, le Gotland n’ayant pas subit l’invasion romaine, (les échanges avec Rome ne se sont fait que lentement et positivement au gré des routes marchandes), et une christianisation tardive, (baptême du roi Olof en 1008 selon la tradition), l’art pictural à laquelle appartient cette dalle gravée n’a pas encore été influencée par ces mondes romain puis chrétien. On peut donc légitiment y retrouver un style déjà en usage à l’époque de l’âge du fer, voir du bronze ou du néolithique... !
Graver une dalle comme a pu le faire un homme de l’époque du bronze ou du néolithique est des plus émouvants...

Réalisée sur panneau de bois, j’ai complété dans son dessin les quelques manquements dûs à 1500 ans d’exposition aux gel et intempéries, sans pour autant en faire un objet neuf, et en respectant scrupuleusement le rythme du décor donné par le sculpteur.

Gotasaga, ou le rêve de Vitastjerna

Réalisée sur panneau de bois
Format env. 64 cm par 49 cm

290€

Possibilité d’envoi par "Mondial Relay". Je confectionne alors une caisse de protection en lambris. Compter 13€ de Mondial Relay + 5€ de caisse.

"Anecdote ou synchronicité..."

Un saurien pour la Sorcière aux serpents !

On m’a passé commande de ma reproduction de la dalle de ‘’La Sorcière aux serpents" comme cadeau destiné à être offert à un grand nom de la mystique judéo-chrétienne, à l’occasion de sa dernière thèse ayant pour sujet :Le statut du serpent dans la bible hébraïque.
Alors que je venais de finir son tracé en vue de la sculpter en bas-relief, les cloches de l’église de Concoret se mettant à sonner les 12 coups de midi, mon regard a été attiré par un délicat mouvement sur le bord de mon établi.
A y regarder de plus près, j’ai pu observer un très jeune lézard gravir mon établi pour, sans hésitation, arpenter le dessin de la Sorcière aux serpents, et aller à la rencontre de ses congénères gravés depuis des siècles sur cette dalle pré-viking.

Quelle superbe synchronicité, entre le thème de cette thèse dédiée aux serpents, la puissance du féminin illustrée sur cette dalle par la présence des serpents aux mains de la Mère, et le noble thème de la fécondité illustré par la naissance des enfants-serpents de la déesse et la rencontre de ce bébé saurien…

Que conclure, si ce n’est que l’art sacré est une énergie vivante, qui anime un ici et maintenant omniprésent…
Amitiés
pierre